Je suis née en 1957 d’une mère victime de violence, enfermée dans sa propre souffrance, incapable de faire face à ce qui se passait sous son toit. Elle s’était forgé une façade hermétique de monde parfait, occultant tout l’affreux qu’elle n’avait jamais pu regarder en pleine face. Depuis toute petite j’avais appris à changer le vrai en faux, ce que je vivais n’avais jamais existé, comme ma mère avant moi. J’ai grandi amputée d’une large part de moi-même, emmurée au-dedans de moi dans le brouillard opaque des non-dits, jusqu’à ce qu’un cancer vienne ébranler mon armure de béton armé. J’avais 50 ans. Dès lors, ma recherche de vérité et de clarté au cœur de mes plus obscures noirceurs m’a propulsée dans un immense élan de vie. Frôler la mort m’a rendue vivante.
M’exposer ainsi n’a d’intérêt que de faire œuvre utile et de porter espoir. La traversée du pire m’a permis de trouver le meilleur, je suis passée d’une vie morte à une vie vivante.
Écrire est depuis longtemps un processus réparateur pour moi. En même temps que se forment les mots sur la page, j’assume qui je suis et je redonne place à l’espoir. Écrire m’apporte la paix. De très loin, les pages que je noircis ont été les confidentes auprès de qui j’ai pu me dire sans censure ni danger. C’est un lieu d’émergence qui m’a profondément transformée, un espace de rencontre avec moi-même où j’ai pu devenir libre, créatrice de ma propre vie. Écrire me redonne à ma vie.
Sylvie Lavoie